On découvre toujours de nouvelles perles dans l’épais dossier anti-trust que le DoJ a préparé contre Apple. Histoire de mieux légitimer sa procédure, le Département américain de la justice compare tout de go la situation actuelle d’Apple à celle du Microsoft des années 90, une situation qui avait d’ailleurs valu à la firme de Redmond un procès retentissant : «  »En 1998, le co-fondateur d’Apple, Steve Jobs, a critiqué le monopole de Microsoft et ses « sales tactiques » dans les systèmes d’exploitation pour cibler Apple, ce qui a incité l’entreprise « à s’adresser au ministère de la Justice » dans l’espoir d’amener Microsoft « à jouer équitablement » ». » est-il inscrit dans la plainte du DoJ ; « Mais même à cette époque, Apple n’était pas confronté aux mêmes types de restrictions qu’elle impose aujourd’hui aux tiers ; Les utilisateurs d’Apple pouvaient utiliser leur iPod avec un ordinateur Windows, et Microsoft ne facturait pas à Apple des frais de 30 % pour chaque chanson téléchargée depuis l’iTunes Store d’Apple. De même, lorsque Apple a lancé l’iPhone sur le marché en 2007, il a bénéficié de la concurrence entre les fabricants de composants et les opérateurs de téléphonie mobile. »

Pour Apple et ses avocats, cette comparaison ne tient pas. En effet, dans les années 90, la part mondiale de Windows sur le marché de l’ordinateur personnel (en base installée) dépassait allègrement les 90% de Pdm, soit bien plus que les 20% d’iPhone actuels (ou 45% sur le marché américain). Il n’y avait pas vraiment d’alternative à Windows durant cette période, alors qu’aujourd’hui, plus des 2/3 des utilisateurs de mobiles dans le monde sont sous Android (et plus de la moitié aux Etats-Unis). La firme de Cupertino ne s’arrête pas là et accuse le DoJ de non seulement comparer ce qui ne serait pas comparable mais aussi de présenter les chiffres et pourcentages d’une manière erronée.

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Un monopole ? Quel monopole ?

Le DoJ cite ainsi les 65% de Pdm de l’iPhone aux Etats-Unis, un pourcentage qui correspond en fait au chiffre d’affaires de l’iPhone dans le secteur mobile et sur le seul territoire américain. La PDM réelle de l’iPhone aux US avoisinerait plutôt les 45%… et ça change tout ; car à priori, si une minorité d’utilisateurs est prête à payer beaucoup plus cher son smartphone (en l’occurence l’iPhone) plutôt que de se procurer l’une des nombreuses alternatives disponibles sur le marché, il y a peu de chances que cette décision d’achat soit « obligée » ou forcée par le contexte du marché. C’est forcément un libre choix. Et aux Etats-Unis, les entreprises restent libres de fixer les prix qu’elles souhaitent pour leurs produits et services.

Pour le dire autrement, si Ferrari vendait demain beaucoup plus de ses bolides à plusieurs centaines de milliers de dollars l’unité au point de rafler 60% du CA du secteur automobile, cela ne placerait toujours pas le constructeur en situation dominante et encore moins en situation de monopole. Sans doute conscient des limites de sa propre comparaison, le DoJ explique que si l’iPhone et l’App Store rapportent autant à Apple, c’est justement à cause d’une politique commerciale douteuse, dont la fameuse taxe Apple (que pratique pourtant aussi Google et tous les tenanciers de boutiques applicatives). Cela ne déplace pas vraiment la problématique :  le DoJ peut certes parvenir à démontrer que certaines de ces pratiques sont effectivement litigieuses, mais il sera en revanche bien plus difficile de démontrer qu’elles sont avant tout litigieuses parce qu’Apple serait hypothétiquement en situation de position dominante voire monopolistique : si un développeur n’est pas content de la taxe Apple et des règles de l’App Store, il peut toujours proposer son application sur Android, qui pour rappel est le système mobile réellement dominant sur le marché, y compris aux Etats-Unis.

L’accusation de monopole n’est pas la seule « pique » du DoJ qui fasse tiquer les journalistes et les spécialistes juridiques américains. Le DoJ accuse aussi Apple d’avoir indûment causé la perte de nombreux fabricants mobiles, d’avoir des pratiques anticoncurrentielles avec CarPlay,  ou bien encore de freiner l’innovation sur les messageries concurrentes en limitant les SMS à Messages (les SMS, ce sommet d’innovation pour les messageries, mode ironie « on »).